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MOUEZH BREIZH, LA VOIX DE LA NATION BRETONNE

La bataille de Jengland


Rédigé le Vendredi 17 Mai 2024 à 09:28 | Lu 11 commentaire(s)


Si la bataille historique de Ballon en 845 à Bains-sur-Oust par Nominoë boutant les troupes franques est une victoire symbolique (création de l’État breton) elle ne fut pas forcément décisive pour l'indépendance de la Bretagne. En effet, c'est grâce à la victoire du fils de Nominoë, Erispoë, à Jengland les 22 et 23 août 851 sur les terres de la commune du Grand-Fougeray située entre Rennes et Nantes, que la Bretagne devient véritablement une nation indépendante. Cette seconde victoire, toujours contre l’armée franque de Charles VII le Chauve, aboutit à la signature du traité d'Angers. Par cet accord, le roi franc reconnaît Erispoë comme Roi de Bretagne. Erispoë affirme ainsi son pouvoir d’héritier de son père, Nominoë, mort quelques mois plus tôt. Les concessions faites ensuite par Charles le Chauve reconnaissent à Erispoë la possession des comtés de Rennes et de Nantes ainsi que de la vicaria de Retz.


in War Raok ! - n° 54 - Mars 2019

La disparition, le 7 mars 851, de Nominoë est une véritable aubaine pour le roi des Francs. En juillet 851 les troupes franques arrivent. Après avoir consulté ses frères Lothaire et Louis en mai 851 à Meersen (Pays-Bas), Charles le Chauve décide d’asseoir une fois de plus son autorité sur la Bretagne et fait venir ses troupes dans la vallée du Loir, comté d’Anjou. On peut supposer qu’après son échec cuisant à Ballon, Charles le Chauve cherche à éviter de commettre deux fois la même erreur en se présentant avec trop peu d’hommes, même s’il sait les Bretons peu nombreux. Une mobilisation massive pourrait représenter de quatre à six mille hommes, 30 à 50 % du maximum théorique du royaume, car le roi doit alterner les régions convoquées à l’ost d’une année à l’autre pour éviter l’épuisement des ressources et des hommes. Sur ce nombre, il faut compter peut-être 10 % de cavaliers lourds, leurs écuyers, s’ils sont eux-mêmes montés, pouvant éventuellement former une cavalerie légère. Quant au contingent de mercenaires saxons, on peut se hasarder à lui accorder un nombre de 500 à 800 hommes. De leur côté, les Bretons peuvent compter sur leur nouveau chef, Erispoë, lequel s’empresse de lever une armée qui traverse rapidement la Vilaine pour attendre les Francs sur le territoire du Grand-Fougeray. Chez les Bretons, l’armée est constituée d’une seule cavalerie légère (1.000 cavaliers côté breton face à une armée franque composée de 4 à 6.000 hommes, mercenaires saxons inclus de Louis le Germanique).

Le 16 août 851 Charles le Chauve campe à Juvardeil près de Duretal dans le département du Maine-et-Loire, mais le roi des Francs prend le risque d’attendre un mois et demi pour livrer bataille. Il craint le fils de Nominoë qu’il ne connaît pas. A t-il hérité de ses talents de chef ? Peut-être espérait-il que les Bretons ne viennent à lui pour l’attaquer dans son camp en Anjou ? Erispoë opte pour la prudence en choisissant l’attente au Nord-Est de Vannes. Las d’attendre, Charles le Chauve se trouve dans l’obligation d’avancer plus à l’Ouest. Est préférée la voie d’Angers à Carhaix à celle de la Loire et Nantes en raison de l’alliance de Lambert, ce Franc dépossédé du comté de Nantes par Charles le Chauve. L’armée franque va ainsi se retrouver face aux troupes bretonnes stationnées près du Grand-Fougeray, lesquelles ont eu loisirs de se préparer à livrer bataille.

Les 22 et 23 août 851, c’est l’affrontement. Le premier jour, le roi franc dispose ses troupes sur deux lignes : les Francs derrière, les mercenaires saxons devant pour briser la charge de la cavalerie bretonne, dont il connaît la mobilité et la ténacité. Mais dès la première charge des Bretons et dès leur première volée de javelots, les Saxons vont se cacher derrière les autres troupes. Les Francs sont pris au dépourvu par la tactique de l’ennemi. Les Bretons, selon leur coutume et montant des chevaux dressés à ce genre de combat, courent de côté et d'autre. Tantôt ils donnent impétueusement, avec toutes leurs forces, dans la masse serrée des bataillons francs et les criblent de leurs javelots, tantôt ils font semblant de fuir, et les ennemis lancés à leur poursuite n'en reçoivent pas moins leurs traits en pleine poitrine. Accoutumés à combattre de près, lance contre lance, les Francs restent immobiles, frappés d'étonnement, effrayés de ce nouveau péril qui leur était inconnu ; ils ne sont point équipés pour poursuivre ces troupes légères, et s'ils les attendent rangés en ligne serrée, ils n'ont contre leurs coups aucun abri. Pour Erispoë on ne change pas une tactique qui fit ses preuves ! Il compte sur la mobilité de sa cavalerie légère pour prendre l’avantage et semer le désordre dans les rangs ennemis. Les Bretons harcèlent à distance l’armée lourde des Francs, l’arc et la flèche remplacent alors le javelot. Ils alternent charges furieuses, débandades soudaines et feintes incitant les Francs à la poursuite. Dès que quelques Francs se détachent d’une colonne, les Bretons se regroupent pour les encercler et les massacrer. Après deux jours de combat, d’importants dignitaires Francs sont tués (notamment le Comte Vivien de Tours et le Comte Palatin Hilmerau). Les pertes en hommes et montures sont catastrophiques chez les Francs, minimes chez les Bretons. Pris de frayeur, le roi s'enfuit à la faveur de la nuit. Au matin du 24 août lorsque les soldats francs s’aperçoivent que leur roi les a abandonné, c’est la panique. C’est la débandade totale et les Bretons ne tardent pas à s’en apercevoir. La prise du camp n’est plus qu’une formalité pour Erispoë et ses hommes. Ils fondent sur le camp et s’emparent des trésors et des armes.   

Les pertes franques sont lourdes et l'engagement se termine sur une panique générale qui s'empare des perdants et scelle de façon irrévocable leur défaite. De telles réactions de peur-panique se retrouvent souvent au Moyen Age quand, arrivée au terme d'affrontements serrés, l'une des deux armées lâche brutalement pied et entraîne dans sa débandade même les plus valeureux des combattants. Si la défaite de Ballon pouvait passer, à la rigueur, pour une défaite de hasard au vu de la faiblesse des forces mobilisées, Jengland est une indiscutable déroute. Il faudra du temps à Charles le Chauve, s'il en ressent encore le désir, pour mettre sur pied une nouvelle armée capable de lui procurer une belle revanche et d'exercer des représailles terribles sur les Bretons. Or c'est de temps que dispose le moins le souverain franc, préoccupé par ailleurs par d'autres questions toutes aussi pressantes : en conséquence mieux vaut pour lui se résoudre à négocier avec le vainqueur du jour, d'autant que le sort des prisonniers déportés en Bretagne ne peut manquer de l'inquiéter car ce sont autant d'otages entre les mains d'Erispoë.


Le traité d’Angers

À l’issue de cette bataille, les relations entre Francs et Bretons sont redéfinies. Charles le Chauve accepte de rencontrer Erispoë à Angers ville située aux limites de l'avancée bretonne. Erispoë est reconnu maître du regnum breton, reçoit les comtés de Rennes et de Nantes ainsi que le vicaria de Retz. Obtenant mieux que le missaticum de son père, il accepte d’entrer dans le système politique carolingien dans le cadre d’un royaume subordonné. Par cet accord d’Angers, Charles le Chauve reconnaît donc Erispoë pour roi de Bretagne (la Bretagne devient officiellement un royaume et Erispoë, 1er roi de Bretagne), et s’engage à ne plus jamais contester les pays de Rennes, Nantes et de Retz. Les frontières du futur duché de Bretagne sont ainsi délimitées.

En 856, à Louviers, un mariage sera programmé pour renforcer les liens avec le roi des Francs: une des filles d’Erispoë épousera Louis le Bègue, fils de Charles le Chauve. Erispoë cèdera le Duché du Mans à Louis le Bègue, le désignant comme prince pour régner sur ce territoire. Les relations entre la Bretagne et la Francie occidentale s’adoucissent, à défaut d’une alliance solide, elle permettra de contrer les nouvelles incursions Vikings.


Remise en cause du traité d’Angers

 

Entre le 2 et le 12 novembre 857, Erispoë est assassiné sur l’autel de l’église de Talensac en Ille et Vilaine par son successeur désigné et cousin : Salaün (Salomon) aidé de son cousin Alcmar. La raison : la crainte de voir les Francs s’emparer de la Bretagne après le mariage de la fille d’Erispoë et Louis le Bègue.
C’est en 863 que la paix d’Angers est remise en cause par Salaün, ce dernier repartant en guerre contre Charles le Chauve. Salaün pousse alors les troupes bretonnes jusqu’à Orléans, et par le traité d’Entrammes (53), il obtient le territoire « Entre deux rivières », la Mayenne et la Sarthe.

En 868, Salaün étend encore les frontières de la Bretagne en acquérant par le traité de Compiègne, le Cotentin, l’Avranchin et les îles Anglo-Normandes.

A cette date, la Bretagne atteint son extension géograhique maximale.

 

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