in War Raok ! - n° 68 - Janvier 2024
Peu de drapeaux nationaux sont noir et blanc et à notre connaissance aucun autre drapeau national dans le monde, autres le drapeau breton et le drapeau corse à tête de Maure, le sont. Il est à noter que le blanc et le noir ne sont pas considérés comme des couleurs.
Le Gwenn ha Du, nom donné au drapeau breton et signifiant en français « Blanc et Noir », est un drapeau récent dans l’histoire de la Bretagne. Créé en 1923, il s’agit d’une synthèse subtile des emblèmes que les Bretons utilisent depuis des siècles, une synthèse parfaitement acceptable de la tradition du drapeau d’hermines pleines et d’une figuration de la diversité bretonne. Emblème fort de la Bretagne, apolitique il apparaît aujourd’hui sur le fronton de la plupart des mairies, des institutions bretonnes et représente la Bretagne et les Bretons à travers le monde. Il fut utilisé sur le pavillon de la Bretagne de l’exposition des Arts décoratifs de Paris de 1925. Prohibé pendant de nombreuses années par les autorités françaises ne supportant aucune référence à la Bretagne, il a fallu attendre le milieu des années 60 pour pouvoir enfin le voir hisser sans entrave ni amalgame.
Origine et conception
Le Gwenn ha Du est une entreprise que l’on doit à Morvan Marchal. Né à Vitré (Ille et Vilaine) en 1900, architecte et membre du mouvement artistique « Seiz Breur », militant nationaliste breton il créé le journal Breiz atao, en 1931 la ligue fédéraliste de Bretagne, puis membre du Parti Autonomiste Breton et collabore à la revue druidique « Németon ». Comme beaucoup de militants bretons, il sera condamné en 1945 à 15 ans d'indignité nationale avant d'être gracié en 1951.
Considérant le drapeau breton d’hermines plain comme trop ressemblant au drapeau monarchiste français de fleurs de lys plain, Morvan Marchal souhaite créer un drapeau moderne. Il se serait inspiré pour cela de deux autres drapeaux nationaux. D’une part le drapeau de la Grèce aux origines de la Démocratie. Puis d’autre part, du drapeau des États-Unis d’Amérique, pays neuf et puissance du XXe siècle.
Les points communs de ces deux drapeaux sont les bandes. Ainsi, pour la Grèce, neuf bandes bleues et blanches avec une croix sur le canton. Et pour les États-Unis d’Amérique, treize bandes rouges et blanches représentant les treize États fondateurs, et un canton de cinquante étoiles représentant autant d’États constituant la fédération. Une autre source d’inspiration, les armoiries de la ville de Rennes, ce qui est en soit assez logique.
Le drapeau breton est composé de 9 bandes horizontales : 4 bandes blanches pour les évêchés ou pays bretonnants de Bretagne occidentale (le Pays de Vannes / Bro-Gwened, la Cornouaille / Bro-Gerne, le Léon / Bro-Leon et le Trégor / Bro-Dreger.) et 5 bandes noires pour les pays de la Bretagne orientale (Rennes, Nantes, Dol, Saint-Malo et Saint-Brieuc). La partie supérieure gauche du drapeau contient 11 queues, mouchetures d'hermine noires, qui rappellent le petit mammifère brun dessus et blanc dessous. En hiver, il devient tout blanc, sauf sa queue qui reste toujours noire. Un animal associé à la pureté, à l’intelligence ou encore à l’agilité . Il est symbole ducal depuis le 13ème siècle. C’est Pierre de Dreux (1187-1250), duc de Bretagne qui ajouta en premier l'animal au blason familial une brisure de moucheture d'hermine. En 1202, lorsque qu’à l’époque la duchesse de Bretagne Alix épousa le duc, seul l’aîné des enfants pouvait garder le blason familial, les autres enfants devaient « briser les armes », c'est-à-dire ajouter une brisure, un signe distinctif. Maintenant, pourquoi 11 hermines sur le drapeau breton ? Ces 11 hermines ne représentent rien de spécifique et le choix de ce nombre n’est pas connu à l’heure actuelle. A priori sans signification, ce nombre se retrouve toutefois sur de nombreuses illustrations anciennes montrant des drapeaux à 11 mouchetures d’hermine ou peut-être un rappel du drapeau d’hermines plain. L'hermine fini par être considérée partout comme le symbole de la Bretagne et aujourd'hui, se retrouve de fait, dans les armoiries d'un très grand nombre de villes bretonnes.
Dans l’agitation de la fin des années 60, grèves ouvrières, manifestations estudiantines, réveil des mouvements bretons, manifestations sportives et festives…, le Gwenn ha Du refait son apparition avec beaucoup d’éclat comme sur le haut de la flèche de Notre-Dame à Paris en 1972 à l’occasion du procès des militants indépendantistes du Front de Libération de la Bretagne (F L B). Les associations culturelles et politiques l’utilisent de plus en plus. Symbole de fierté, fierté de tout un peuple, le Gwenn ha Du est devenu incontournable.
Yann Balboc’h