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Un siècle après la partition de l’Irlande, un espoir de réunification


Rédigé le Vendredi 17 Mai 2024 à 16:23 | Lu 10 commentaire(s)



IN WAR RAOK ! - N° 65 - DÉCEMBRE 2022

La signature d’un traité anglo-irlandais le 6 décembre 1921, divisant politiquement l’Irlande en deux, reconnaissait simultanément l’existence du nouvel État libre d'Irlande mais aussi la capacité de l’Irlande du Nord de décider de s’unir ou de ne pas s’unir au nouvel État souverain. Malheureusement le parlement nord-irlandais à l’époque ne s’engage pas dans cette possibilité et souhaite se maintenir dans le Royaume-Uni, en devenant ainsi une nation constitutive. La pleine souveraineté de l'État libre d’Irlande est reconnue de manière informelle par la déclaration Balfour de 1926, puis formalisée par le statut de Westminster de 1931. En 1937, l’État libre d’Irlande prend pour nom simplement « Irlande », et en 1949 il achève de se constituer en l’actuelle République d'Irlande et quitte le Commonwealth des nations.

Rappelons qu’en 1940, le Royaume-Uni propose l’union du Nord avec l’État libre d’Irlande en échange de l’abandon des républicains irlandais de leur neutralité dans la Seconde Guerre mondiale et leur entrée subséquente en guerre contre l’Axe. Proposition rapidement refusée. Les gouvernements de l’Irlande indépendante ont toujours soutenu la réunification politique d’une Irlande unie.

Il y a donc un siècle, la lutte armée pour l’indépendance entraînait la partition de l’île. L’histoire de l’Irlande reste  douloureuse et est encore difficile à affronter, même après ces dernières années de paix. Cent ans d’une série d’événements qui conduisirent aux créations successives de l’Irlande du Nord, (l’Ulster province semi-autonome du Royaume-Uni), de l’État libre d’Irlande, au Sud, qui deviendra par la suite la République d’Irlande avec une frontière 480 kilomètres séparant les deux entités. Cette partition est toujours dénoncée comme une aberration par les catholiques nationalistes en faveur de l’unité de l’île. Une frontière considérée au contraire comme un cordon salvateur par les Unionistes protestants.

 

Le Good Friday Agreement, un équilibre précaire

Signé le 10 avril 1998, l’Accord du Vendredi Saint (Good Friday Agreement) met fin à trente années de guerre civile en Irlande du Nord qui feront près de 3500 victimes (1968-1998). Fondé sur le désarmement de l’IRA et sur la création d’un partage du pouvoir exécutif entre Catholiques et Protestants, le traité repose en outre sur l’ouverture de la frontière entre l’Irlande du Nord et sa voisine du Sud. Pierre angulaire de l’apaisement des tensions identitaires, la libre circulation des personnes et des marchandises pourrait cependant être remise en cause puisque le statut de la frontière intra-irlandaise reste encore à déterminer. En effet, cette frontière, seul point de contact terrestre entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni, a un rôle stratégique essentiel. Son ouverture entre l’Éire et l’Ulster a donc joué un rôle déterminant pour le processus de paix, dans la mesure où elle a eu un impact positif à trois niveaux. D’un point de vue économique, elle a renforcé les échanges commerciaux entre les deux Irlande, au point que la République est désormais le premier partenaire de l’Ulster. Deuxièmement, l’abolition des contrôles à la frontière a mis fin à un climat de suspicion généralisé, mais aussi à l’isolement culturel de l’Irlande du Nord. Enfin, les appels à l’action violente sont en forte baisse face à une volonté, largement répandue chez les Unionistes protestants comme chez les nationalistes républicains et catholiques, de maintenir la paix et de tourner la page des Troubles.

Néanmoins, le Good Friday Agreement reste un accord fragile que le Brexit pourrait d’autant plus aisément perturber. 



Des vents de changement soufflent à nouveau sur l'Irlande

 

La question d’un référendum pour la réunification de l’Irlande est plus que jamais d’actualité. A la faveur d’un Brexit douloureux, après la victoire des républicains du Sinn Féin aux dernières élections législatives et du blocage institutionnel qui en découle, il faut donc dès maintenant commencer à réfléchir aux modalités d’un référendum. Selon les termes des accords de paix du Vendredi Saint de 1998, ce ne sont pas les partis politiques nord-irlandais qui peuvent le convoquer mais le secrétaire d’État britannique à l’Irlande du Nord, « s’il lui apparaissait qu’une majorité d’électeurs se prononcerait pour quitter le Royaume-Uni et former une Irlande unie ».

Depuis le scrutin du 5 mai, qui a vu pour la première fois le Sinn Féin devenir le premier parti au Parlement irlandais (l’Oireachtas) où le pouvoir est partagé entre unionistes, principalement protestants, attachés au maintien de la province au sein du Royaume-Uni et catholiques républicains, les institutions nord-irlandaises sont paralysées, décrédibilisées par l’attitude du principal parti unioniste (DUP) qui, malgré sa défaite, refuse de laisser le poste de Premier ministre au Sinn Féin mais il est assez probable que les partisans d’une unification avec la République d’Irlande soient aujourd’hui de plus en plus nombreux. Les unionistes du DUP refusent donc d’y prendre part, exigeant, entre autres, la suppression des contrôles post-Brexit sur les marchandises qui arrivent dans la province en provenance de Grande-Bretagne. On constate que le débat sur le Brexit a été en fait comme une sorte de catalyseur dans la discussion autour de l'unité irlandaise, un effet collatéral. Cela a fourni une nouvelle plateforme, permis à nouveau d'en reparler et, sondages après sondages, tout montre que cette idée gagne en popularité.

Aujourd'hui, alors que tous les sondages semblent à nouveau désigner le Sinn Féin, comme étant la principale force capable de mener ce combat à terme, au Nord comme au Sud, l'aspiration différée à une indépendance totale est à nouveau sur la table : « tout ce que nous demandons au gouvernement britannique, c'est d'écouter le peuple irlandais. Nous voulons avoir notre mot à dire lors du référendum et il s'agira alors de la réunification finale de tout notre pays » déclarent les représentants du parti nationaliste.

La responsable du Sinn Féin Mary Lou McDonald estime que le parti républicain doit « gagner les cœurs et les esprits » en faveur d’une réunification de l’île d’Irlande, qui surviendra dans la décennie. « Nous nous préparons pour un changement constitutionnel, la réunification de l’Irlande, et nous devons le faire de manière pacifique, démocratique, ordonnée », a-t-elle assuré lors d’une conférence de presse à Londres devant la presse étrangère.

Pour que la réunification, nécessitant un référendum comme l’exige l’accord de paix du Vendredi Saint de 1998, se produise, « il faut des préparations », « une très large discussion à travers l’île, incluant tous les points de vue », a-t-elle poursuivi. « Les gouvernements à Londres et Dublin doivent réaliser qu’il s’agit d’une tendance, de plus en plus de gens sur l’île estiment que le changement est imminent ».

Un rapport de 250 pages publié par un groupe de constitutionnalistes de l’University College London (UCL), suggère six critères pour juger de la pertinence d’une telle consultation : nombres de votes aux élections, sièges remportés, vote de l’Assemblée d’Irlande du Nord, sondages, données démographiques et éléments qualitatifs émanant de différentes composantes de la communauté. Prendre en compte également les différents scénarios de réunification et avant de convoquer un tel référendum, s’entendre sur les modalités d’une éventuelle réunification.

Le rapport de l’UCL étudie quatre scénarios :

  1. Le maintien des institutions nord irlandaises mais avec un transfert de souveraineté de Londres à Dublin.
  2. Un État unitaire avec un unique parlement et un seul gouvernement.
  3. Un État fédéral dont l’Irlande du Nord pourrait constituer l’un des éléments.
  4. Une confédération, l’Irlande du Nord devenant alors un État souverain indépendant.

L'Irlande : les deux mains sur le volant et les yeux sur la route,  pas dans le rétroviseur  !

 

Prudent, le Sinn Féin ne veut pas précipiter les choses, mettre la charrue avant les bœufs et semble bien confiant en sa capacité à convaincre les indécis.

Si le processus de paix est indissociable du démantèlement de la frontière entre les deux Irlande, la remise en cause de ce principe suscite, au sein de l’opinion publique, une peur du retour à la violence. Ces craintes ne sont pas entièrement infondées. Malgré l’accord de cessez-le-feu ratifié en 1998, plusieurs groupes paramilitaires sont toujours en activité. Ces organisations forment aujourd’hui encore des cellules plus ou moins dormantes. La question du désarmement reste donc ouverte. Depuis la signature du Good Friday Agreement, certaines organisations paramilitaires ont émergé en opposition directe au processus de paix. C’est le cas de la Nouvelle IRA (New IRA, ou NIRA), qui regroupe depuis 2012 divers groupes nationalistes dissidents. Comptant environ un millier de membres, la NIRA perçoit le Good Friday Agreement et son principe de partage du pouvoir avec les Protestants comme une trahison à la cause nationaliste. 

Dans un entretien pas si ancien, la vice-présidente du Sinn Féin, Michelle O’Neill, réaffirmait l’argument-phare du camp nationaliste : un référendum sur la réunification de l’Irlande d’ici cinq ans, et appelait de ses vœux une nation « où, à l’avenir, et dans le respect de chacun, les identités irlandaises et britanniques devront nécessairement cohabiter ». Saluons les efforts en cours pour obtenir une fois pour toute la réunification totale de l’Irlande ! Saluons la fin d’une ère… et l’Irlande aux Irlandais.

 

Mael Le Cosquer




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