in War Raok ! - n° 51 - Mai 2018
Il faut quand même souligner que la ville de Rennes, dans le même temps, a accepté des prénoms d'origine étrangère possédant eux aussi une apostrophe, et ce après l'entrée en vigueur de la circulaire de 2014 : N'Guessan et Chem's, en 2015, D'jessy en 2016, N'néné et Tu'iuvea en 2017. Quatre appellations d'origine africaine et polynésienne, en l'occurrence. Comment la municipalité rennaise peut-elle justifier que sur le sol breton, des prénoms d'origine étrangère soient autorisés tandis que des prénoms traditionnels bretons soient refusés ?
Le ridicule ne tuant pas, la municipalité de Rennes a depuis avancé un argument des plus surréalistes : « Les officiers de l'état-civil ont en effet accepté des prénoms contenant une apostrophe, car ils ont considéré que, dans ces cas précis, l'apostrophe ne changeait pas la prononciation du prénom. Alors qu'en langue bretonne le C'H change la prononciation ». Un nouveau délit vient d’être inventé, le « délit de sonorité ».
Devant les nombreuses réactions, le procureur fait savoir qu'il va procéder, de manière précise et détaillée, à un nouvel examen de cette situation juridique, en lien avec l'administration centrale. Chose faite puisque le parquet général de la cour d’appel de Rennes et le parquet du tribunal de grande instance de Rennes ont décidé que le prénom sera rectifié et remplacé à l’état-civil par Derc’hen, avec l’apostrophe. Les instructions destinées à autoriser l’utilisation de l’apostrophe dans le choix des prénoms vont être rapidement transmises à l’ensemble des procureurs de la République du ressort de la cour d’appel de Rennes, font savoir les magistrats.
Les prénoms bretons ne sont pas les seuls impactés par le texte de 2014. Au Pays Basque, c’est une petite Aña qui a connu des déboires similaires à la mairie de Bayonne en 2011. Là-bas, les prénoms à tilde ne manquent pas et sont confrontés aux mêmes obstacles que les Bretons. Aloña, Begoña, Beñat, Eñaut, ou encore Iñaki n’ont pas, eux non plus, retenu l’attention de l’Académie française. Une rigueur administrative à laquelle sont aussi soumis des parents catalans.
Mael Le Cosquer.